Les menaces

  • 682hq

  • 550hq

  • 556hq

  • 557hq

  • 551hq

  • 555hq

  • 552hq

  • 553hq

L'Arnica montana est une espèce menacée en France, mais aussi sur le reste du territoire européen. La sous-espèce Atlantica Bolos (de basse altitude et de plaine) a probablement déjà disparu, et la sous-espèce Montana est en régression. Elle est citée dans l'annexe V (espèces à statut spécial) de la Directive habitats 92/43/CEE. Elle est donc de fait protégée, et peut faire de plus l'objet d'une réglementation préfectorale, puis régionale, départementale, communale. Quelles menaces justifient donc un tel dispositif de protection ?

Elles viennent principalement de tout ce qui touche à son habitat : pH du sol en premier lieu, et humidité. Cette plante possède une force incroyable, c'est une montagnarde qui pousse dans des conditions difficiles et un sol pauvre, mais elle est aussi extrêmement sensible aux variations et à la dégradation de son habitat.

La limite du pH acceptable pour elle se situe entre 5 et 5,5*. Plante acidophile, elle ne supporte pas les sols alcalins, et tous les intrants destinés à améliorer les rendements des prairies de fauches où elle se trouve.
* Le pH, ou potentiel hydrogène, est la mesure de l'acidité. Il est neutre à 7, acide en-dessous, et basique au-dessus.

C'est la plus grosse menace pour l'Arnica : les traitements visant à alcaliniser les sols. C'est pourquoi les agriculteurs sont les premiers mis en cause. Le chaulage et tout type d'amendement calcaire, l'épandage de lisier ou de fumier sur le sol, ces pratiques sont fatales à l'Arnica. La plante ne revient pas pendant plusieurs années après un traitement. A l'époque où la plante était encore abondante et où ces pratiques étaient courantes, année après année les sols se sont irrémédiablement modifiés jusqu'à réduire à un point critique les stations d'Arnica. La conversion de prairies maigres en zones de culture a fait disparaître de manière définitive l'Arnica de certaines régions.

De leur côté, les agriculteurs avancent plusieurs arguments : leur métier, c'est de nourrir leur bétail et faire tourner leur exploitation. Or, l'herbe qui pousse en terrain acide n'est pas de bonne qualité pour nourrir les animaux ou pour la fauche, ce qui se répercute sur la qualité du lait et du fromage, donc sur leur activité en général. D'où l'usage des pratiques destinées à améliorer la qualité et la quantité d'herbe de fauche ou de pâture. Les intérêts des agriculteurs et des protecteurs de l'Arnica sont donc totalement divergents.
Parfois, comme c'est le cas sur le massif vosgien, un haut lieu de l'Arnica en France, les prairies de fauche que les propriétaires possèdent aussi dans la vallée sont également sous le coup de réglementations strictes à cause de l'urbanisation. Par exemple, ils ne peuvent pas mettre d'intrants dans le sol si leurs terres se trouvent proches de bassins destinés à l'eau potable, qui s'étendent au fur et à mesure du développement immobilier. Donc ils se rabattent sur les prairies d'altitude, là où il y a l'Arnica.
Enfin, quand ils ont signé les baux d'exploitation des terres, il n'y avait pas encore de mesures pour protéger l'Arnica. Ils ne savaient pas que leurs pratiques étaient néfastes. Il y avait un réel manque de connaissance et d'information. Ce qui n'est certainement plus le cas aujourd'hui et depuis plus de dix ans !

Même si les pratiques agricoles sont unanimement désignées comme responsables de la disparition de l'Arnica, il est important d'entendre les arguments des agriculteurs pour pouvoir trouver des solutions et faciliter leur application.

D'autres éléments peuvent modifier irrémédiablement le degré d'acidité du sol dans lequel pousse l'Arnica. Lorsque le pâturage bovin est remplacé par un pâturage ovin, elle disparaît totalement en un à deux ans. En effet, les excréments des moutons sont alcalinisants. Dans le Haut-Forez (Rhône-Alpes, Auvergne) par exemple, l'introduction du mouton à été fatal aux grandes stations d'Arnica.

L'humidité et le climat sont ensuite déterminants pour la survie de l'Arnica. Si on la trouve en montagne dans les zones humides, ou dans les prairies paratourbeuses, c'est parce que cette plante aime l'eau. Mais là encore avec une nuance, car l'eau stagnante est trop acidifiante. Donc elle a besoin d'eau, mais avec un terrain incliné d'au moins 3°, qui garantit l'écoulement satisfaisant de l'eau.
Une année comme 2009, avec plusieurs semaines de temps sec au mois de mai alors que la tige commence à pousser, est peu favorable à l'Arnica: tiges plus petites et plus fines, retard dans la floraison,... Cela ne facilite pas la régénération des stations d'Arnica !
Mais il est difficile pour l'homme d’agir sur les variations météorologiques, alors qu'il peut être le premier acteur de la mise en place de mesures de protection face aux autres menaces.

L'Arnica doit en effet lutter contre la concurrence d'autres espèces végétales. Les myrtillers notamment, colonisent les mêmes terrains que l'Arnica, et la lutte pour la terre et le soleil n'est pas vraiment favorable à la fleur. De la même manière, la forêt de conifères en s'étendant prend le soleil dont l'Arnica a besoin pour vivre et se développer. L'Arnica est naturellement une espèce dite "passagère". Elle pousse donc sur des prairies et des endroits entretenus par l'homme, ou alors trop difficiles d'accès pour les autres espèces. Mais ces derniers représentent une surface trop petite pour préserver l'Arnica! Face à cette menace "naturelle", l'intervention de l'homme est la bienvenue, comme le broyage de myrtillers ou la limite de l'expansion forestière...

Enfin, les avis divergent sur deux menaces supposées telles par certains, et niées par d'autres.

Tout d'abord la pression de la cueillette. La cueillette en elle-même ne représente pas une menace. Même si la plante entière est cueillie, des études démontrent que l'aération du réseau racinaire est favorable, de même que l'excitation du cambium lors de la cueillette stimule la formation d’un nouveau segment de rhizome. L'étude a montré que les années suivant une cueillette, les parties de racines et de pousses restantes poussaient plus vigoureusement que sur les plantes intactes. De plus, la fleur ne se développe que la deuxième année ; la première année, la rosette assure la multiplication végétative (par le réseau racinaire). La cueillette de la fleur n'empêche donc pas la reproduction. Enfin, les cueilleurs, soucieux de préserver leur ressource, adoptent depuis longtemps des règles de cueillette durable: laisser suffisamment de fleurs pour la reproduction par pollinisation, etc.
Par contre, comme le nombre de stations d'Arnica diminue et que la demande des laboratoires est stable, voire en augmentation avec le nombre de laboratoires intéressés, il y a de plus en plus de cueilleurs sur les zones conventionnées, les seules sur lesquelles la cueillette est autorisée, ce qui pourra à terme poser problème. Les "bonnes années" comme 2008, on n'évoque pas cette question. Par contre les années où le climat est défavorable, où l'Arnica est peu abondante, dans une zone qui paraît régresser, la pression de la cueillette peut devenir une menace et le sujet revient sur la table des négociations.

Deuxième menace supposée sur laquelle les avis divergent: les activités de loisir comme le ski, le parapente,...
Là encore, certains affirment que la présence de pistes de ski n'est pas néfaste au développement de l'Arnica puisque l'activité a lieu en hiver et à cette saison les racines emmagasinent l'énergie du sol. Si la neige est tassée, cela protège au contraire l'Arnica des variations climatiques et lui assurera un apport d'eau au début du printemps. De plus, ce sont souvent des terrains réservés aux loisirs et donc préservés des traitements agricoles.
D'un autre côté, un sol trop souvent piétiné, tassé est évidemment peu favorable au développement végétal, et à cette plante fragile. Et surtout, les activités de loisirs amènent souvent la construction d'infrastructures qui, elles, sont responsables de la destruction des espaces favorables à l'Arnica. D'où la nécessité de trouver un juste milieu !

Enfin, ce n'est pas une menace, mais cette caractéristique n'aide pas à la préservation de l'espèce : les essais de culture de l'Arnica montana ne sont pas concluants. La plante, avec ses principes actifs et sa belle couleur, est destinée à rester sauvage.
La culture de l'Arnica est pourtant indispensable pour couvrir les besoins. Mais la qualité des plantes cultivées est loin d'atteindre celle des plantes sauvages. Or, les laboratoires les plus consciencieux ont un cahier des charges bien précis que ne remplit pas la plante cultivée.
En culture, le réseau racinaire ne peut pas se développer. Les fleurs se multiplient donc, ce qui produit un bon rendement à court terme, mais d'une part la qualité de la fleur est bien moindre, et d'autre part cela n'est pas viable à long terme et la culture doit être renouvelée tous les 4 à 6 ans.
D'autres essais de culture sous serre, dans un sol propice, et avec un apport hygrométrique idéal, ont aussi montré que la fleur sortait plus grande, la tige plus courte, et la rosette atrophiée. Dans ces conditions, il est impensable que l'Arnica de culture procure les mêmes principes actifs et la même force de guérison que l'Arnica sauvage. Pousser dans des conditions difficiles la rend forte et lui permet de développer ses substances guérisseuses tellement bénéfiques aux hommes.

Ce qui montre bien que la priorité doit être de la protéger dans son biotope, et que, si comme pour tout être vivant le climat a un impact sur son évolution, l'homme a un grand rôle à jouer dans sa préservation, après avoir été l'acteur de sa disparition. Et si la France a servi de base pour cette recherche, l'Europe entière est concernée : les menaces sont exactement les mêmes en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Roumanie, en Hongrie. Alors quelles sont les solutions, et pourront-elles aussi être généralisées ?

(sources : enquête de terrain juin-juillet 2009)