Trujillo, 11 sept 2008

Le premier rendez-vous de cette journée m’a mise en colère. L’INRENA est l’Institut National de Gestion des Ressources Naturelles péruviennes. Il dépend du Ministère de l’Agriculture. Il est notamment chargé de protéger les ressources et de faire respecter les lois sur ces ressources.
Mr Cristian Sotero, du bureau de l’INRENA de Trujillo, fait partie de ces gens qui ne font pas honneur à leur fonction et qui abattraient des forêts entières si cela pouvait leur rapporter un quelconque bénéfice personnel.
Concernant le Palo Santo, il n’est pas trop au courant (il est pourtant chargé de la partie forestière des ressources !), les volumes sont trop petits dans le département. Il voulait quand même savoir si je souhaitais en exporter, auquel cas il m’aurait fallu demander un permis…et graisser la patte du fonctionnaire chargé des autorisations. Il ne connaît pas vraiment les espèces menacées, sauf celles qui ont un intérêt commercial (ben voyons !).

Nous étions également venus demander un permis pour transporter un singe. En effet, parmi les singes de David, un des capucins à tête blanche avait suffisamment récupéré pour être rendu à son habitat naturel, la jungle. Depuis huit ans qu’il était à la fondation, son agressivité de mâle dominant pesait même fortement sur l’ambiance parmi les singes. Le délai était trop court, la paperasse étant incroyablement compliquée. Là, il a une bonne excuse. Mais quand on a rapporté que des animaleries en face du marché vendaient deux singes d’espèces protégées et dans un état pitoyable, il nous a répondu qu’il n’avait pas le temps d’aller voir (alors qu’il ne fait visiblement rien de ses journées), et que finalement, c’était plutôt bien, "avant il y en avait beaucoup plus" ! Le genre de réponse qui me met en colère. La fondation de David n’avait pas les moyens d’acheter les deux singes vendus à presque 30 €, donc ils vont probablement mourir prochainement des suites des mauvais traitements…

Bref, heureusement dans ce voyage les événements s’enchaînent vite et j’ai laissé cette frustration à la porte de la boutique de Manuel Bejarano Alvarado, un médecin naturopathe très reconnu. Ce n’est pas un chaman mais il connaît bien leurs manières de faire. Lui est vraiment calé sur les plantes et leurs usages médicinaux.
Sa boutique est un régal pour les yeux : des sachets de toutes les couleurs promettant monts et merveilles, des ossements divers et variés, des sacs de plantes séchées, des objets non identifiés dans tous les recoins. Difficile de se concentrer !
Quand au Palo Santo, après m’avoir décrit un certain nombre d’usages médicinaux, il m’a expliqué les propriétés des statuettes qu’il avait en stock : Saint Antoine, c’est pour l’amour. S’il a une tête, c’est pour un couple fixe, s’il a deux têtes, c’est pour protéger les amateurs de partenaires multiples, afin qu’ils ne se fassent pas attraper par la légitime… Saint Hilaire, c’est pour l’argent : on prend la statuette, on allume une bougie jaune, on dispose un peu de monnaie autour, sans oublier les photos de soi-même ou de la personne à aider. Après trois jours, la personne garde la monnaie comme amulette porte-bonheur.
Enfin, à force de regarder, j’ai déniché une main de la fortune en Palo Santo. Celle-là je l’ai achetée ! Une magnifique main avec une étoile à 5 branches au cœur de la paume. Je n’oublierai pas de faire brûler une bougie blanche pour attirer la bonne fortune !

Nous sommes ensuite allés rendre visite à un prédicateur chrétien qui a marqué sur sa carte de visite "Psychologue Naturaliste Conseiller social Confident de grandes personnalités". Monsieur Segundo fait tout ça ! Pour le Palo Santo, il souhaitait faire une messe suivie d’une transe pour que je puisse rentrer en contact avec l’esprit de l’arbre, seule façon selon lui de savoir pourquoi il a été créé. Euh, je vais y réfléchir, mais là tout de suite comme ça, je ne crois pas ! Une transe, pourquoi pas, mais une messe ???
Pour marquer la fin de l’entretien, il m’a tout de même donné une bénédiction, c'est-à-dire qu’il a récité de bon cœur une prière en m’aspergeant de parfum.

Souhaitant conserver le bénéfice de la bénédiction mais me débarrasser de l’odeur du parfum, nous sommes retournés à la fondation de David pour aller voir les animaux et préparer le singe pour son grand voyage, c'est-à-dire tester des somnifères pour sa nuit dans le bus !
J’ai passé pas mal de temps dans la cage d’un renardeau sur lequel j’avais craqué dès le début. Je l’ai caressé, j’ai joué avec lui, et j’ai fait ressortir mon côté "Petit Prince". J’ai pu aussi remplacer l’odeur du parfum par celle plus agréable du renard !