Jaén, 17 sept 2008
Nous avons commencé la journée avec une visite dans un petit musée archéologique tenu par le Professeur Ulises Gamonal, spécialiste des cultures anciennes du Pérou. Il n’y a pas que les Incas ! Pas beaucoup de rapports avec le Palo Santo, mais il a quand même témoigné qu’il se sentait un lien très fort avec cette plante que tout le monde connaît au Pérou, et il nous a donné de bonnes recommandations ! Son objectif de protéger la diversité culturelle péruvienne rejognait mon objectif de protéger la biodiversité…
Nous avons ensuite fait un tour rapide dans une sorte de foire agricole. Là encore, pas de Palo Santo mais j’ai goûté au cactus nommé « piña silvestre » (l’ananas de la forêt), assez rafraîchissant et qui produit un fruit rose fuschia en forme de piment tout à fait délicieux.
L’après-midi a été vraiment intéressant : nous avons rencontré Luciano Troyes Riviera, un professeur de sciences sociales passionné de nature et de la forêt tropicale sèche, l’écosystème typique du Palo Santo. Il a créé une réserve privée de 1800 Ha et essaye tant bien que mal de trouver des aides pour protéger cette forêt sèche qui en a bien besoin.
Pour lui, déjà la forêt sèche souffre d’un problème d’image. "Sèche", dans l’esprit des gens, c’est aride, moche, "sans vie", ce qui est bien sûr entièrement faux ! Il y a de nombreuses espèces de flore et de faune endémiques de cet écosystème. Et sa réserve est superbe.
Un autre problème vient du fait que les ingénieurs forestiers sont formés pour gérer les ressources économiques de la forêt, pas les espèces menacées. Or ce sont eux que l’on retrouve dans les parcs, les administrations, à l’INRENA…
Il a un projet de plantation, il va étudier la possibilité de planter du Palo Santo. J’aimerais vraiment que l’on puisse faire un partenariat entre Plante & Planète et « Gotas de agua », son association, qui comprend le projet « Plante un arbre avec tes propres mains ».
Cela dit, je n’ai toujours pas vu de Palo Santo vivant, j’attends avec impatience ma première rencontre avec l’arbre !
Encore plus tard le soir, avant de prendre un enième bus de nuit, nous avons rencontré Oscar Duda Risco, un vieux monsieur de 88 ans spécialiste de Jaen et de sa région. Il a témoigné que dans les années 30/40, il y avait beaucoup de Palo Santo dans la région. Maintenant il n’y a plus rien, tout a été coupé depuis longtemps… il ne pouvait pas parler beaucoup plus longtemps ce pauvre vieux monsieur, mais heureusement, son érudition sur la région ne sera pas perdue puisqu’il a au cours des ans publié l’histoire de Jaen en 5 tomes !
Enfin, sur son conseil, nous sommes allés voir le père Humberto Tape Dias dans sa paroisse. Celui-ci nous a reçu aimablement vue l’heure tardive à laquelle nous sommes allés sonner à sa porte, et nous a expliqué l’usage que lui, les autres prêtres, et les paroissiens en faisaient dans la région. Ils l’utilisent pour fumigéner les vêtements des morts avant la mise en bière, afin d’éloigner les mauvais esprits et leur faciliter le cheminement vers la vie éternelle. Ils en font également des croix, puisque c’est un bois sacré et reconnu comme tel. Enfin, ils en font des usages médicinaux, qui sont les usages classiques de maux d’estomac, de renforcement global, d’inhalations contre le rhume, etc.
Il est au courant que l’espèce est menacée. Il essaye avec différents projets de faire avancer d’une part la prise de conscience écologique et d’autre part les efforts pour replanter mais c’est très difficile, même si la région est agricole et donc en première ligne pour observer les changements climatiques.
Aujourd’hui, le mot que j’ai le plus entendu est "seul". Ces personnes qui essayent de faire changer les mentalités, de protéger la culture ou l’environnement, qui sont passionnés et donnent toute leur énergie pour leurs projets se sentent seuls. Au moins, à Paris, dans le monde des associations, nous savons que nous sommes plusieurs à avoir des objectifs communs, et nous pouvons trouver du soutien quand le moral et la motivation fléchissent. Mais c’est très difficile pour eux, dans une petite ville d’un pays en développement…
C’est sur ces pensées que je suis montée dans le bus pour Chiclayo puis Piura, où je devrais arriver vers demain matin 10h00...