Chiclayo, 9 sept 2008

Après une nuit de bus, nous avons atteint avec Jorge les marchés aux plantes de Chiclayo, là où viennent se fournir les chamans, les naturopathes, et tous les autres consommateurs de plantes et de mélanges magiques.
Le premier marché, de Mochoqueque, est un marché de gros. On y trouve des plantes, mais aussi des becs de toucan, des peaux de bêtes, et tout un ensemble d’objets utilisés dans le cadre de "trabajos", de travaux énergétiques (bonnes ou mauvaises énergies d’ailleurs !).

Je me suis arrêtée au stand de Angel Humberto Cardoso Olivares, qui m’a vendu du Palo Santo en poudre, à mélanger avec du romarin, du "yacama blanca", de l’eucalyptus, de l’encens ou de la myrrhe. Ce mélange sert à éloigner les mauvais esprits lors de la fumigation d’un lieu, d’une personne, ou de tout objet censé porter en lui des maléfices. C’est l’usage du Palo Santo le plus couramment répandu au Pérou. Que ce soit dans des cérémonies catholiques ou de guérison traditionnelle, tout le monde utilise ou connaît le Palo Santo.
Par contre, cette poudre provenait de l’arbre coupé puis séché, et non de l’arbre mort. Or le Palo Santo a la propriété de développer ses caractéristiques spécifiques une fois mort. Sa composition chimique change et les principes actifs se développent. Mais avec sa raréfaction, les récolteurs n’ont plus le temps d’attendre que l’arbre meure, il faut répondre à la demande…

Un autre témoignage de la très sympathique Haydee Garcia m'apprend que la police surveille parfois les arrivées de plantes. Si le Palo Santo est en petite quantité, pas de problème, la police laisse passer. Par contre, plus question de faire passer de grosses quantités.
Les grossistes l'achètent à 2 soles le kg (soit 0,5 €), et le revendent à environ 5 soles (1,25 € environ). C’est très peu pour un arbre interdit ! Même si ce prix a quadruplé en un an, puis il était acheté à 0,5 soles le kg l’année dernière. Haydee souhaiterait que des autorisations limitées soit mises en place, comme cela a été le cas dans le cadre de l’exploitation de la coca. Et en effet, la mise en place d’une gestion durable devrait être une priorité !

Changement d’ambiance sur le deuxième marché, le marché des détaillants. Ambiance plus triste, plus sombre, ou le capharnaüm régnant sur les stands ne permet pas vraiment de distinguer les produits "bons" des arnaques magiques...

J’y ai tout de même trouvé des statuettes utilisées par les chamans pour leurs travaux, ou à mettre sur leur table de chaman (constituée de toutes les pièces qu’ils ont collectées et qui leur garantissent une bonne protection, du soutien spirituel,…). J’ai acheté en vue de l’exposition un "pied" en Palo Santo.
Ce "pied" peut avoir deux fonctions :
- si un chaman a jeté un sort à une personne par l’intermédiaire d’un maléfice qui est rentré par les pieds (cette personne a par exemple marché sur une substance contenant le maléfice). Alors le chaman guérisseur va utiliser le pied de Palo Santo pour faire sortir le maléfice.
- certains chamans nettoient des énergies impures, et au lieu de les enterrer ou de les transmuter, ils les rejettent dans la nature. Des personnes risquent donc d’être "infectées" par ces énergies. Pour les nettoyer, le chaman va utiliser le pied de Palo Santo, puis l’enterrer afin de transmuter les énergies négatives dans la terre.

Quelle journée… Plongée dans l’univers des croyances anciennes du Pérou, l’étude du Palo Santo me fait découvrir des univers très intéressants. Je dois souvent faire répéter les histoires pour être sûre de bien les comprendre. L’histoire du pied notamment a été un peu compliquée, mais tout est clair maintenant !